Info

Votre journal local 100% numérique !

Enquête indépendante sur l’événement survenu à Mirabel le 17 avril 2022 : le DPCP ne portera pas d’accusation

Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l’analyse de la preuve ne révèle pas la commission d’une infraction criminelle par les policiers et les policières du Service de police de la Ville de Saint-Jérôme (SPVSJ).

L’analyse portait sur l’événement survenu à Mirabel le 17 avril 2022 entourant le décès de deux hommes.

L’examen du rapport d’enquête préparé par le BEI a été confié à une procureure aux poursuites criminelles et pénales (procureure). Cette dernière a procédé à un examen complet de la preuve afin d’évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle-ci révèle la commission d’infractions criminelles. La procureure a rencontré et informé les proches des personnes décédées des motifs de la décision.

Événement

Le 16 avril 2022 à 23 h 40, la Régie intermunicipale de police Thérèse-De Blainville (RIPTB) reçoit un appel pour un conducteur de véhicule ayant les capacités affaiblies dans le stationnement d’un commerce à Sainte-Thérèse. À 23 h 43, les policiers de la RIPTB interceptent le véhicule à l’endroit indiqué mais le conducteur prend la fuite toujours à bord du véhicule et les policiers le perdent de vue. Les policiers de la RIPTB transmettent les informations pertinentes sur les ondes radio.

Quelques minutes plus tard, les policiers du Service de police de la Ville de Blainville (SPVB) localisent le véhicule fuyard à Blainville et entament une poursuite en assistance aux policiers de la RIPTB. Les policiers du SPVB cèdent ensuite la priorité de la poursuite à la RIPTB, qui met fin à la celle-ci vers 23 h 53 pour des raisons de sécurité puisque le véhicule est perdu de vue sur l’autoroute 15 Nord à Blainville. 

Le 17 avril 2022, peu après minuit, à la demande de la RIPTB, deux policiers du SPVSJ se dirigent à l’adresse du propriétaire du véhicule impliqué afin de procéder à son arrestation. Après vérifications, il s’avère que le véhicule a été volé dans un garage situé à Saint-Jérôme.

Le conducteur fuyard contacte une femme et l’informe qu’il a volé un véhicule et qu’il fuit les policiers qui voulaient l’intercepter. Il lui indique l’emplacement où il se cache, soit sur le terrain d’une cabane à sucre à Saint-Jérôme.

Environ 15 minutes plus tard, soit à 0 h 44, la femme contacte le 911 pour transmettre les informations qu’elle a reçues du conducteur.

Vers 0 h 55, deux policiers et deux policières du SPVSJ arrivent, à bord de deux véhicules de patrouille, à la cabane à sucre concernée et localisent le conducteur fuyard à proximité du véhicule volé dans le stationnement. Il s’agit d’un modèle rare et facilement identifiable. L’un des véhicules de patrouille s’immobilise face au véhicule afin de prévenir sa fuite et le second véhicule de patrouille s’immobilise à la gauche du premier. 

Les policiers et policières sortent des véhicules afin d’empêcher l’homme de retourner à bord du véhicule. L’homme monte toutefois rapidement dans le véhicule, fait vrombir le moteur et tente d’embrayer. Les policiers et policières se placent de part et d’autre du véhicule en pointant leurs armes à feu vers le conducteur et ils le somment de mettre ses mains en l’air. Le conducteur continue de faire révolutionner le moteur et tente d’embrayer la transmission. Il réussit et recule rapidement. La portière du côté passager s’ouvre et est partiellement arrachée lors de la manœuvre. Le policier à proximité recule afin de ne pas être frappé par la portière. Le véhicule entre en contact avec un arbre. Le conducteur rabaisse ses mains sans arrêt pour tenter d’embrayer le véhicule puis les remonte. L’ordre de mettre les mains en l’air est répété sans succès.

Le conducteur réussit à prendre la fuite à bord du véhicule et se dirige vers la route 158. Les policiers et policières regagnent leurs véhicules de patrouille et prennent en chasse le véhicule. Les gyrophares et la sirène sont activés. Outre le fait que le conducteur soit au volant d’un véhicule volé, les policiers considèrent que la conduite de ce dernier représente un danger pour les usagers de la route.

À l’approche de la route 158, le conducteur du véhicule fuyard ralentit fortement, accélère et ralentit de nouveau, obligeant le policier derrière lui à freiner fermement. Ceci provoque un léger contact à très basse vitesse avec le derrière du véhicule fuyard. Ce véhicule accélère de nouveau à plein régime en tournant sur la route 158 en direction ouest. La chaussée est sèche et la route est large et en bon état. Des lampadaires éclairent la route. La visibilité est bonne et la circulation est très faible. Il n’y a aucun piéton en bordure de la route. L’un des véhicules de patrouille commence une poursuite.

Le conducteur fuyard accélère de nouveau à plein régime et distancie rapidement le véhicule de patrouille. Le second véhicule de patrouille est loin derrière. Le conducteur fuyard circule à haute vitesse. Lors d’une manœuvre par laquelle le conducteur du véhicule de patrouille tente de contraindre le conducteur de se ranger dans l’accotement asphalté, où l’espace le permet, le véhicule de patrouille entre en contact avec l’aile arrière du côté conducteur du véhicule fuyard. Celui-ci perd légèrement le contrôle pour ensuite accélérer très rapidement. La poursuite se déroule sur une distance d’environ deux kilomètres.

La vitesse maximale autorisée est de 70 km/h. La preuve révèle notamment que le premier des véhicules de patrouille en poursuite circule pendant quelques instants entre 150 km/h et 178 km/h.

Vers 0 h 57, alors que le véhicule de patrouille se trouve à quelques centaines de mètres derrière le véhicule fuyard, celui-ci percute, à haute vitesse un véhicule immobilisé à une intersection située à Mirabel. Le véhicule fuyard est complètement enflammé et il est impossible de s’en approcher.

Plusieurs véhicules de patrouille arrivent sur les lieux et les policiers tentent de porter secours aux trois occupants de la voiture emboutie par le véhicule fuyard. La passagère réussit à sortir du véhicule. Les flammes se propagent maintenant à ce véhicule. L’un des policiers utilise le devant du véhicule de patrouille comme bélier, afin d’éloigner le véhicule embouti, pour empêcher la propagation du feu. Des extincteurs sont utilisés pour tenter de maîtriser les flammes. Les policiers tentent de nouveau de porter secours aux occupants de la voiture emboutie. Ils réussissent à sortir le conducteur mais malgré leurs efforts, le passager demeure coincé à l’arrière. Les pompiers et les ambulanciers arrivent sur les lieux et prennent charge de l’incendie et des personnes blessées.

Le conducteur du véhicule fuyard ainsi que l’un des passagers de l’autre véhicule sont décédés.

Une expertise permet de conclure que le véhicule fuyard circulait approximativement à 165 km/h plus de 600 mètres avant la collision et que la vitesse excessive du véhicule, soit approximative entre 133 km/h et 165 km/h lors de la poursuite, constitue un facteur contributif à cette collision mortelle.

L’expertise permet également de conclure que le véhicule de patrouille circulant derrière celui du véhicule fuyard n’est pas impliqué dans la collision et qu’il a poussé le véhicule embouti au niveau de la portière conducteur en sens contraire de la collision et de sa direction d’origine lors de la poursuite.

Analyse du DPCP

L’infraction de conduite dangereuse, décrite à l’article 320.13 du Code criminel, se définit comme le fait de conduire un véhicule à moteur d’une façon dangereuse pour le public, en tenant compte des circonstances, incluant l’utilisation qui en est faite, la nature et l’état du lieu ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu. Le test applicable en matière de conduite dangereuse a été établi par la Cour suprême et prévoit que la preuve doit démontrer que la façon de conduire était objectivement dangereuse pour le public. À cet égard, c’est le risque de dommage ou de préjudice créé par la conduite qui doit être évalué, indépendamment des conséquences d’une collision ou d’un accident survenu à l’occasion de la conduite du véhicule.

La preuve doit également établir que la conduite objectivement dangereuse adoptée par le conducteur constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait un conducteur raisonnable dans les mêmes circonstances, en l’occurrence, un policier. Le critère de l’écart marqué souligne le haut degré de négligence nécessaire pour engager la responsabilité criminelle. Ainsi, une imprudence, une simple négligence ou une erreur de jugement sont insuffisantes pour engager la responsabilité criminelle d’un individu.

L’accusation de conduite dangereuse causant des lésions corporelles ou la mort exige la preuve d’un lien de causalité entre la conduite du véhicule et de telles conséquences. À cet égard, la norme juridique applicable est que la conduite doit avoir contribué de manière appréciable aux lésions corporelles ou à la mort.

Par ailleurs, le Code de la sécurité routière (CSR) contient certaines dispositions relatives à la conduite d’un véhicule d’urgence. L’article 378 précise que le conducteur d’un véhicule d’urgence ne doit actionner les feux clignotants ou pivotants ou les avertisseurs sonores ou un dispositif de changement des signaux lumineux de circulation visés à l’article 255 dont est muni son véhicule, que dans l’exercice de ses fonctions et si les circonstances l’exigent. Il n’est alors pas tenu de respecter certaines dispositions du CSR.

Dans ce dossier, l’intervention était légale. Les policiers pouvaient procéder à l’arrestation sans mandat du conducteur pour vol de véhicule et l’intercepter également parce que sa conduite constituait un danger pour la sécurité du public.

Malgré la grande vitesse pendant un très court laps de temps et la manœuvre visant à contraindre le conducteur, le comportement du policer du SPVSJ au volant du premier véhicule de patrouille en poursuite ne constitue pas de la conduite dangereuse eu égard à l’ensemble des circonstances.

La collision mortelle a notamment été causée par la vitesse excessive du véhicule fuyard et au sens du droit criminel, le policier au volant du véhicule de patrouille n’est pas responsable de la collision mortelle survenue entre les deux véhicules.

Conséquemment, à la suite de son analyse, le DPCP est d’avis que la preuve ne révèle pas la commission d’une infraction criminelle par les policiers et les policières du SPVSJ impliqués dans cet événement.

Vos dernières nouvelles dans Lanaudière:

Votre journal local 100% numérique !